Petits poèmes en prose

Charles Baudelaire

Votre œil se fixe sur un arbre harmonieux courbé par le vent ; dans quelques secondes, ce qui ne serait dans le cerveau d’un poëte qu’une comparaison fort naturelle deviendra dans le vôtre une réalité. Vous prêtez d’abord à l’arbre vos passions, votre désir ou votre mélancolie ; ses gémissements et ses oscillations deviennent les vôtres, et bientôt vous êtes l’arbre. De même, l’oiseau qui plane au fond de l’azur représente d’abord l’immortelle envie de planer au-dessus des choses humaines ; mais déjà vous êtes l’oiseau lui-même.

Charles Baudelaire, Petits poèmes en prose, « Le Théâtre de Séraphin », 1868.

Poème
de l’instant

Benoît Reiss

« Mon père se tait… »

Mon père se tait
et cela fait grandir une route
s’allonger une voie devant
peuplée de fleurs et de fantômes
que je peux embrasser dans mon propre silence.

Benoît Reiss
Contre-Allées #43 / 2021