Approche de la parole
Le poème n’est pas une réponse à une interrogation de l’homme ou du monde. Il ne fait que creuser, aggraver le questionnement. Le moment le plus exigeant de la poésie est peut-être celui où le mouvement (il faudrait dire la trame énergétique) de la question est tel - par sa radicalité, sa nudité, sa qualité d’irréparable - qu’aucune réponse n’est attendue plutôt, toutes révèlent leur silence. La brèche ouverte par ce geste efface les formulations. Les valeurs séparées, dûment cataloguées, qui créent le va-et-vient entre rives opposées sont, pour un instant de lucidité, prises dans l’élan du fleuve. De cette parole qui renvoie à ce qui la brûle, la bouche perdue à jamais.
Éditions Gallimard, 1978.
Lorand Gaspar, le poète de Sol absolu, d’Égée, de Judée et de Patmos, vient de mourir à Paris.
Né en 1925 en Transylvanie (« dans le dos de Dieu » disait-il), admis à l’École polytechnique de Budapest en 1943, il connait deux années d’errance et de déportation dans l’Europe dévastée avant de rejoindre paris où il achève ses études de médecine. Chirurgien de grande réputation, il exerce successivement à Jérusalem puis à Tunis.
Tandis qu’il se voue quotidiennement à la sauvegarde de la vie, son œuvre de poète, mais également de photographe, capte, éprouve et célèbre l’âpre hospitalité des solitudes arides et dépeuplées…
« Tout autour veillait le désert.
C’était lui, par ses grès, ses marnes, ses calcaires, qui donnait et donne encore, comme à Jérusalem, son toucher charnel à la lumière. »
En effet, Lorand Gaspar est bien celui qui, dans la poésie, a donné corps à la lumière.
Poème
de l’instant
Territoires du souffle
Je t’enrobe dans le siècle
Ou te pare d’horizons
Ma vieille âme millénaire
Mon âme gravée d’avenir
ANDRÉE CHEDID
Territoires du souffle
Éditions Flammarion / 1999