Brisures de François Dumont

Brisures constitue une sorte d’inventaire de l’exaspération face au monde tel qu’il est, au moyen d’observations concises, tendues vers la vérité, et dont la forme renvoie aux ambitions lointaines de la poésie. Ces constats sont organisés de façon à ménager des déplacements et des ouvertures.
La forme même des poèmes est fixe (deux lignes qui ne sont ni plus ni moins qu’un alexandrin coupé en deux, et qui s’enchaînent les uns les autres), « Tes phrases terminales / s’appuient sur les suivantes » (60) ; « Vois ta pauvre ironie / qui règne sans pouvoir » (63)) et propose une lecture en continue où les enchaînements, les échos et les retours témoignent d’une attention parfois teintée d’ironie, d’une exigence poétique. L’ensemble de ces « constats » ne conduit pas tant à une réponse qu’à une conscience qui ne peut « habiter (le monde) qu’en dehors ».
Né à Québec en 1956, François Dumont est professeur de littérature à l’Université Laval. Il a publié des poèmes (Eau dure, Hexagone, 1989) et plusieurs études sur la poésie et sur l’essai, dont La poésie québécoise (Boréal) en 1999, et Approches de l’essai (Nota Bene), en 2003. Brisures est son premier titre aux Éditions du Noroît.
Poème
de l’instant
Santana de toutes les étoiles
Je viens de tellement si loin
marchant sur les hauts fonds
les nerfs chargés de flambeaux
je viens de plus que là-bas
je joue jusqu’aux lèvres de mes mots
je salue tous mes morts
j’ouvre
l’atelier des nuits scintillantes