Chemin d’errance

Auteur : Jamila Abitar

Chemin d'errance

Préface de Hans LIMON :

Je ne conçois d’autre poète que celui pour qui les choses n’ont de réalité que cette transparence qui sublimise l’objet aimé et le fait voir non pas tel qu’il est dans sa carapace d’os, de pulpe ou de silence, mais tel qu’il virevolte devant la bille irisée de l’âme, cet œil magique béant au fond de nous. » Ainsi du poète selon l’Usage interne de René-Guy Cadou, qui semble égrener dans sa conception les glorieux ou marginaux représentants d’une tradition séculaire qui remonte aux inspirateurs des premiers rhapsodes et s’achève aux confins d’une modernité qui n’en finit plus de regretter Rimbaud. Jamila Abitar est un maillon de cette chaîne magnétique : amie des éléments, familière du silence et des éloquences des non-dits, prêtresse d’une alchimie verbale sans cesse renouvelée, soumise à la grâce du poème en qui se prolonge et se parfait l’harmonie de toutes choses, elle est proprement voyante, prend la parole comme un jour nouveau, convoque les peuples et les résistances de toutes parts, fait communiquer l’universel enfoui sous les intimités, tresse enfin, de ses fulgurances à réveiller les morts, les poèmes qui sauront ressusciter le soleil à l’horizon des champs de boue citadins.
C’est au terme d’un long chemin d’errance que la vérité, jusque-là ignorée, peut éclater à la vue de tous. Et c’est le privilège du poète, si ce n’est son fardeau, de la faire éclater en beauté.

Extrait :

Marche exilée

De tout temps, j’ai porté des voiles pour assurer
à ma démarche, une part de féminité.

Je porte toujours l’habit qui rappelle
le dernier instant.

Une rencontre du corps et de l’esprit
sur une terre sans nom.

J’ai vu mes semblables courir après le vent,

trahir la lumière par la force,
ils sont entrés dans ma chambre.

J’ai vu mes cahiers d’écolière rompre
avec ma jeunesse.

Mon corps ne se souvient d’aucune rue,
je suis exilée à l’aube de l’éternité.

J’honore la surface de la terre

sans que l’ombre d’un missile
ne vienne défigurer ma pensée.

Je retrouve l’exquise dérive
qui ne mène à rien et sans doute à tout.

Sollicitée pour être,

une épouse,

une maîtresse exilée,

comme une femme,

comme un poète.

(p.31)

Paru le 29 août 2022

Éditeur : Traversées

Poème
de l’instant

« Fabulation »

« Cela » : cet inconnu sis au plus intime de soi comme une abeille lovée dans l’ombre pourpre des pétales d’une rose tout en plis et replis pour s’y nourrir de son odeur, de ses sucs, de sa chair, de sa tiédeur. De ses secrets.

Sylvie Germain, « Fabulation », Revue Caravanes 8, Éditions Phébus, 2003.