Exercices de rêverie de Gérard Farasse
Fin avril, le rosier se décide : il ôte les mains de ses poches. Elles sont collées directement à la tige : il n’a pas de bras. On dirait quelqu’un qui retirerait difficilement un pull-over et qui n’arriverait qu’à en sortir les mains, l’une, puis l’autre.
Il ouvre ses pinces de crabe. On les devine coupantes, prêtes à saisir et à cisailler. Ce sont des prothèses.
Il fait songer à un infirme, à un manchot.
Son côté larvaire émeut.
Ensuite, évidemment, il triomphe : comme mes roses sont magnifiques ! On le lui a trop répété. Il prend des poses. Il est content de lui.
Alors on souhaite qu’une tempête vienne le remuer en profondeur et rabattre de sa superbe.
Chacune des fantaisies d’Exercices de rêverie trouve son origine dans une sensation, une image, un souvenir.
Ces vignettes, très légèrement rehaussées, résultent d’un dosage instable : la réserve y tempère l’émotion, la mélancolie y hante l’enjouement, et la banalité s’y métamorphose en bizarrerie.
Gérard Farasse vient de faire paraître Belles de Cadix et d’ailleurs (Le Temps qu’il fait). Il est également l’auteur d’essais critiques : L’âne musicien, Sur Francis Ponge (Gallimard), Amour de lecteur (Presses du Septentrion).
Poème
de l’instant
« Inventaire avant disparition »
Car la poésie honore, et a d’emblée honoré, notamment avec l’alouette à l’oreille, notre fascination pour les oiseaux, dans un compagnonnage qui participait directement de la définition de son propre chant, et de l’insertion de ce chant humain dans le monde vivant, un vaste monde frissonnant et buissonnant de toutes sortes de musiques.
« Inventaire avant disparition »
Passa Porta Festival / 2023