Habiter l’arbre
Auteur : Emmanuel Merle

Illustrations d’Élisabeth Bard.
L’arbre, dense et rugueux. Rien qu’une syllabe pour dire l’âme du monde.
Le tronc et les branches écartent le courant de l’air et c’est le langage qui naît. Les feuilles
palpitent, c’est la lumière qui parle.
Voyageur immobile, exilé là où il se dresse, l’arbre peint le paysage intime.
« Les bras, les branches »
Il voulait toujours habiter l’arbre.
Quand il atteignait l’embranchement,
le vertige le saisissait, même
à deux mètres du sol.
L’enfant dans un arbre, une divinité
simple, d’avant le monde, l’accord parfait.
Mais pas lui.
Refusée cette liberté
du geste : bras et branches, presque
frères et sœurs en paroles.
N’empêche, l’enfant dans l’arbre,
comme l’enfant-loup, hirsute,
heureux, héroïque sans mission
que de vivre.
Refusée cette joie,
sauf quelquefois, dans les mots,
quand le vent premier les agite.
L’oreille interne écoute palpiter leur sève.
Paru le 10 septembre 2020
Éditeur : Voix d’encre
Genre de la parution : Recueil
Support : Livre papier
Poème
de l’instant
Rivière je vous prie
Loin, un instant, des rives, souvenons-nous, riverains des cours de porcelaine, souvenons-nous des loges de verre, entre flammes et idoles, où se pâmaient le mythe, la révolte, les tyrannies de la fin…
Loin, à l’instant, loin du poumon fertile, c’est l’origine qui appelle avec de longs herbiers ondulant sous la nacre, laissant apercevoir des sables habités, des galaxie solubles, des à-pics de massifs coulés s’engloutissant dans le vert sombre.
Pour invoquer. Pour éveiller le dieu. Pour ne jurer de rien. Pour accueillir. Rivière.