Jets de poèmes de Ryôichi Wâgo

Minuit. Sixième jour après le séisme.
Tandis que de nombreux habitants partaient se réfugier ailleurs, j’ai choisi de rester seul dans mon appartement pour rassembler mes pensées sous forme de tweets.
Avec radiations et répliques pour compagnons de route.
Dans ma cellule solitaire, ma seule pensée était que ma propre vérité se trouvait dans les mots, et uniquement dans les mots. Nulle part ailleurs. Je m’efforçais de ne penser à rien d’autre, alors que la société s’écroulait, que la vie pouvait m’être arrachée à tout moment. Je m’agrippais à cette seule vérité comme un enfant aux bras de sa mère. C’était mon seul soutien.
Cette nuit-là, j’ai envoyé plus de 40 tweets.
J’ai intitulé "Jets de poèmes" la série de messages que j’envoie.
Ryôichi Wâgo, Fukushima, mai 2011
Traduit du japonais par Corinne Atlan
Encres sur papier de soie d’Élisabeth Gérony-Forestier
Poème
de l’instant
La colline que nous gravissons
And yet the dawn is ours before we knew it.
Somehow, we do it.
Somehow, we’ve weathered and witnessed
A nation that isn’t broken, but simply
unfinished.