Joël Vernet

Joël Vernet est né en 1954 dans un petit village aux confins de la Haute-Loire et de la Lozère où il vécut durant une vingtaine d’années entre une ferme et une maison de village. Dès les années 1975, entreprend plusieurs voyages à travers le monde, plutôt des sortes de vagabondages qui le conduiront en Afrique, Asie, Europe. En particulier dans le désert saharien et dans le nord du Mali d’où il ne reviendra jamais tout à fait.
Durant ces mêmes années, rencontre l’écrivain malien Amadou Hampâté Bâ à Abidjan, celui-ci l’invite à se convertir à l’islam. Sans succès. Vit alors à Treichville, quartier populaire d’Abidjan et partage la vie de quelques amis africains. Premières tentatives d’écriture. Dans les années 80, voyage en Egypte et au Soudan. Interrompt ses études universitaires pour se consacrer à l’écriture. Découvre l’œuvre de François Augiéras et commence à produire de nombreuses émissions pour France-culture, rendant hommage à des travaux de recherches, à des créateurs, à des inconnus tous attachés, à leur manière, à un certain art de vivre et de créer. Lit avec ferveur Augiéras, Bonnefoy, Bouvier, Char, Dietrich, Handke, Jaccottet, Juliet, Kamo no chômei, Perros, Rimbaud. . .
Dès les années 1988, commence à publier ses premiers livres grâce à Michel Camus et Claire Tiévant chez Lettres Vives, à Bruno Roy, directeur des Editions Fata morgana. Rencontre le peintre Jean-Gilles Badaire, le photographe Bernard Plossu, Pierre Verger et d’autres artistes avec lesquels il entamera des aventures fécondes.
Il crée en 1986 avec Philippe Arbazaïr, conservateur à la BNF, la revue Noir sur Blanc dans laquelle furent publiés de nombreux artistes contemporains du monde entier, poètes, peintres et photographes.
A l’automne 1999, s’installe à Alep (Syrie) où il vivra deux ans. Découvre l’Est de la Turquie et le désert syrien. Quitte la Syrie et vit en retrait dans un petit village au sud de Lyon, au-dessus de la vallée du Rhône.
En 2001, obtient la bourse d’année sabbatique du Centre National du livre pour l’ensemble de son oeuvre.
En octobre 2004, il édite avec Marie-Ange Sébasti, chercheuse à La Maison de l’Orient de Lyon, un livre collectif sur le site d’Ougarit en Syrie : Ougarit, la Terre, le ciel, éditions La Part des Anges, à l’occasion de l’exposition consacrée à Ougarit au Musée des Beaux-Arts de Lyon.
En 2005, publie avec des photographies de Michel Castermans, La Montagne dans le dos,Impressions du pays dogon, Ed Le Temps qu’il fait, livre qui traduit des années de voyages dans cette partie du monde.
En octobre 2007, réalise un livre à huit mains avec le peintre Jean-Gilles Badaire, les photographes Bernard Plossu et Daniel Zolinsky. Une exposition a lieu au même moment à La Fabrique du pont d’Aleyrac (Ardèche) et le livre Chemins, détours et fougères, un tour du monde en Ardèche, témoigne d’une véritable aventure de création et fut publié à La Part des Anges grâce au soutien du Conseil Général de l’Ardèche et de La Fabrique du pont d’Aleyrac, lieu de rencontres artistiques au cœur de l’Ardèche animé par Annie et Bernard Mirabel.
En 2012, publie, Journal fugitif au Moyen-orient, Vers Alep (Avec des photographies de Françoise Nunez et Bernard Plossu), Ed. Le Temps qu’il fait.
Il a dirigé un numéro des Editions Autrement consacré aux Pays du Sahel. Entretiens avec Théodore Monod, René Dumont et d’autres africanistes de renom.
Ces dernières années, voyages au Moyen-orient, en Asie centrale, Russie, Ukraine et Laponie. Bourse Mission Stendhal en 2011 de l’Institut français pour un projet autour de Christian Dotremont.
Extrait
Rumeur du silence
La grâce nous offre l’espérance et nous enseigne la beauté. C’est la naïve leçon des jours qui ne m’a jamais quitté. Nous allions sur la route d’un après-midi incendié, foulant la rocaille sous le pur bleu d’un ciel. Des pierres, le soleil, ce peu d’herbe, la lumière alimentaient mes petits pas. J’avais dix ans peut-être et ne connaissais rien de la grâce qui vous pourfend le cœur. Une femme me tenait par la main, portant à l’autre bras son unique bien, une sorte de baluchon sali par l’épreuve des jours. On m’appelait Romanichel. Je me souviens : nous avions faim et soif ; nous avions hâte d’atteindre le point blanc de la vallée, là-bas, là-bas, très loin du regard qui pillait l’horizon. Peu importe que ce soit le désert ou la nuit. Dans notre dos, la maison n’était plus que cendre. Les troupeaux avaient fui. Tant d’autres hommes s’étaient enfouis dans le silence, préférant la défaite des mots à la parole qui délivre.
Lentement, je suivais le pas hâtif de cette femme. Des larmes tremblaient dans sa poitrine, secouant les pierres, le soleil, la lumière. Mes yeux d’enfant cherchaient un peu de joie dans ce ravin où nous avions roulé sans le vouloir. Soudain, sur un caillou, j’ai vu un papillon, un merveilleux papillon qui avait posé là ses couleurs et ses ailes. Il s’envola devant nous deux, entraînant sa grâce dansante dans le ciel. Longtemps, mon regard suivit sa course jusqu’à la mort de cette image.
J’ai conservé dans mon cœur le velouté mauve et or du papillon qui danse toujours devant mes yeux d’enfant. Il est bel et bien demeuré mon seul maître. Dans les jours sombres, il vole à mon secours, ce beau papillon de la joie.
Joël Vernet
Bibliographie
- Nous ne voulons pas attendre la mort dans nos maisons, Éditions Zoé, collection mini-zoé, récit, 2015.
- La vie tremblante, en hommage à Christian Dotremont, Éditions Le Paresseux, 2015.
- L’Adieu est un signe, Éditions Fata Morgana, 2015.
- Coeur sauvage, en hommage à M. Tsvetaeva, Éditions L’Escampette, 2015.
Recueils et livres d’artistes
- Les petites heures, Éditions Lettres Vives, 2014.
- Marcher est ma plus belle façon de vivre, Éditions L’Escampette, 2014.
- Pourquoi dors-tu, Jonas, parmi les jours violents ? poème pour le théâtre, Éditions La Part commune, 2011.
- L’ermite et le vagabond, Éditions L’Escampette, 2010.
- Le séjour invisible, Éditions L’Escampette, 2009.
- Le désert où la route prend fin, Éditions L’Escampette, 2008.
- Si un cobra vous regarde dans les yeux, Conte malien et autres diableries, illustrations de Léa Vernet, Éditions Tertium, 2013.
- Rumeur du silence, Éditions Fata Morgana, 2012.
- L’instant est un si bref éclat, Éditions Circa 1924, 2012.
- Journal fugitif au Moyen-Orient, Vers Alep, avec des photographies de Françoise Nunez et Bernard Plossu, Éditions Le Temps qu’il fait, 2012.
- Vers la steppe, Éditions Lettres Vives, 2011.
- L’envoûtement des sapinières, in Le Pays-d’en-Haut, avec des photographies de Jean-luc Meyssonnier sur la Haute Ardèche, Éditions du Chassel, 2011.
- Le regard du cœur ouvert, Des carnets (1978-2002), Éditions La Part commune, 2009.
- Celle qui n’a pas les mots, Éditions Lettres Vives, 2009.
- Voir est vivre, avec un frontispice de Jean-Gilles Badaire, Éditions Les sept collines, chez Jean-Pierre Huguet, 2009.
- Une barque passe près de ton seuil, Éditions La Part Commune, 2008.
- Marcher est ma plus belle façon de vivre, peintures de Jean-Gilles Badaire, Éditions La Part des Anges, 2008.
- L’homme de la scierie sous la pluie, Éditions Circa 1924, réédition 2008, 2007.
- Chemins, détours, fougères, Un tour du monde en Ardèche, avec des photographies de Bernard Plossu, Daniel Zolinsky et des peintures de Jean-Gilles Badaire, Éditions La Part des Anges, 2007.
- L’abandon lumineux, Éditions Lettres Vives, 2006.
- Lentement au désert, Éditions L’Escampette, 2006.
- La montagne dans le dos, impressions du pays dogon, avec des photographies de Michel Castermans, Éditions Le Temps qu’il fait, 2005.
- Lettre de Gao, Éditions Lettres Vives, rééd.2005, 1988.
- Visage de l’absent, Éditions L’Escampette, 2005.
- A qui appartient le soleil ?,Éditions Les Petits classiques du Grand pirate, 2005.
- Ougarit, la terre, le ciel, sous la direction de J. Vernet et Marie-Ange Sébasti, Éditions La Part des Anges, 2004.
- La lumière effondrée, Éditions Lettres Vives, 2004.
- Lâcher prise, Éditions L’Escampette, 2004.
- Gao sans retour, Éditions Librairie française de Venise, 2004.
- François Augiéras, l’aventurier radical, Éditions Jean-Michel Place, 2004.
- La nuit errante, Éditions Lettres Vives, 2003.
- La petite fille de la palmeraie, in Un week-end chez l’autre, Éditions La Passe du vent, 2003.
- Cri de pierre, poème, peinture de Jean-Gilles Badaire, Éditions La Part des Anges, 2002.
- Lettre d’Afrique à une jeune fille Morte, Éditions Fata Morgana, 2002.
- Au bord du monde, Coll. Terre d’encre, Éditions du Laquet, repris par Tertium Editions, 2001.
- Le silence n’est jamais un désert, Éditions Lettres Vives, rééd. 2001, 1995.
- La journée vide, Éditions Lettres Vives, 2001.
- Sous un toit errant, Éditions Fata Morgana, 2000.
- L’enfance est mon pays natal, Éditions Cadex, 2000.
- Les jours sont une ombre sur la terre, Éditions Lettres Vives, 1999.
- Petit traité de la marche en saison des pluies, Éditions Fata Morgana, 1999.
- Lettre pour un très lent détour, voyages au Mali, photographies de Bernard Plossu, Éditions Filigranes, 1999.
- Quand la mer roule vers le soleil, photographies de Julie Ganzin, Éditions de l’eau, 1998.
- La vie nue, Éditions Lettres Vives, 1997.
- N° sur les six anciennes colonies françaises en Afrique noire.
Le silence habité des voyages, avec une photographie de Pierre Verger, Éditions Novetlé, 1996. - La main de personne, Éditions Fata Morgana, 1997.
- Totems de sable, Éditions Fata Morgana, 1995.
- La peur et son éclat, Éditions Cadex, 1995.
- La mort est en feu, Éditions Cadex, 1995.
- Lettre à l’abandon dans un jardin, Éditions Fata Morgana, 1994.
- Pays du Sahel , collectif : sous la dir. De J. Vernet, Éditions Autrement, 1994.
- J’ai épuisé la ville, dessin de Jacques Truphémus, Éditions Brandes, 1985.