La Terre

Stéphane Crémer

Au sortir d’un rêve à Brasilia j’ai empoigné
la terre, déjà si âcre à mes mains
que leurs paumes m’ont paru des papilles
d’où montait un goût avec son parfum.

Quelqu’un est mort bien loin ce matin
et j’ai pensé, en me baissant jusque là
pour l’emporter à mon tour, que je saurais
l’y ensevelir à ma manière en secret.

Ainsi – car n’allons pas priver la poésie
de sa logique : ni car ni ainsi ne sont proscrits
du poème, ni aucuns mots, pourvu qu’ils s’unissent
en pensée par-delà les marges noires du faire-part ! – ,

ainsi je garde près de moi, dans des flacons
comme une épice sur l’étagère de ma cuisine,
ce pigment rouge du Brésil dont je sais qu’un jour,
empesé à l’amidon de mon choix, un beau jour

nous partagerons la délicieuse peinture mitonnée
qui montrera, aussi bien qu’une Joconde enfin
pour de bon éclipsée de son cadre, ce qu’il reste
de cette disparition : un paysage, et son horizon !

Stéphane Crémer, compost, Éditions isabelle sauvage, 2013.

Poème
de l’instant

Edith Azam

Poèmes en peluches

Un jour ma tête fait un poème
un jour ma tête fait un oiseau
un jour je réfléchis comment faire
pour mettre oiseau dans mon poème.
Et depuis cette histoire
je l’ai tout le temps dans la tête.

Édith Azam, Poèmes en peluches, Le port a jauni, 2021.