La part d’errance

Dès les premiers mots, dès les premiers vers, Anne-Emmanuelle Fournier frappe au cœur et place le lecteur comme tout homme face à sa condition d’être pour la mort. La lucidité et la grâce sont ses encres mêlées. Un frisson parcourt notre épine dorsale tendue entre ciel et terre et l’on sait alors que l’auteure ne se déplace pas dans le champ de l’écriture pour ne rien dire, encore moins pour séduire. Nul ne peut se dérober à la finitude. Mais pour le poète éclairé, comme ici l’auteure, le lien et le lieu existent par-delà la mort, plus loin que soi et l’autre, homme ou animal, en résonance avec l’univers. L’écriture en conscience s’apparente à une quête d’absolu, de vérité voire de chemin initiatique. Le lecteur emboîte le pas au poète pour une conversation avec les étoiles qui lui disent que Je n’est pas seulement un autre mais que Je est au-delà…
Heureux ceux que les questions ne dévorent pas
hommes solaires
qui tenez la terre dans vos mains taciturnes
plus inquiets des affaires que d’apprendre à mourir
hommes au rire fruste et à la joie abrupte
que rien ne peut écarteler
La part d’errance est le neuvième recueil de cette collection qui en mémoire d’Yves Bonnefoy a été baptisée « Le Vrai Lieu ».
Préfacé par Jean-Yves Masson, le livre comporte six gravures de l’artiste Régis Rizzo (www.regisrizzo.com)
Poème
de l’instant
La colline que nous gravissons
Mais soudain, l’aube nous appartient.
Sans savoir à quoi cela tient, nous agissons.
Sans savoir à quoi cela tient, nous avons
tenu bon,
Témoins d’une nation non pas brisée,
mais simplement inachevée.