Le Printemps et le reste
de William Carlos Williams

Traduction nouvelle, préface et notes de Valérie Rouzeau
Au début des années 1920, le monde se remet d’une guerre mondiale sanglante et d’une pandémie grippale encore plus meurtrière. Les milieux artistiques d’Europe et d’Amérique bouillonnent de créativité, explorent de nouvelles voies, discutent, échangent : les idées et les formes traversent régulièrement l’Atlantique. En 1922, Yeats obtient le Prix Nobel et Rilke publie les Élegies de Duino : la poésie d’avant-guerre se porte bien. Mais c’est aussi l’année où Eliot fait paraître La Terre vaine : ce sera une déflagration pour William Carlos Williams, un médecin américain au mitan de sa vie, qui met des enfants au monde et est également l’auteur de quelques livres de poésie. Il répond à la charge poétique d’Eliot avec un livre fou, libre, inclassable : Le Printemps et le reste. Petit livre à la couverture bleue, imprimé à 300 exemplaires à Dijon par l’imprimerie Darantiere qui avait imprimé le Ulysse de Joyce quelques mois plus tôt.
Aujourd’hui considéré comme l’un des plus grands poèmes du XXe siècle, Le Printemps et le reste est un véritable manifeste pour l’imagination – un livre hybride où alternent des sections de prose et de vers libres, qui apostrophe le futur, mais avec les pieds campés dans le ici et maintenant. Il cristallise en déclarations dramatiques, énergiques et magnifiquement cryptiques la façon dont le langage recrée le monde. La poésie est faite de mouvement pour Williams, il désarçonne le lecteur – le terrifie dira Robert Creeley –, déjoue ses attentes, multiplies les chausse-trappes, plante mille questions et s’esquive sans apporter de réponse. Cela ressemble à de l’improvisation, c’est débridé, turbulent, solaire. Multiple et furieux. Amusé et insensé. Naufrages, meurtres mondiaux, déferlements de couleurs, la voix s’arrête et repart, navigue entre les blancs et les lacunes, commence à l’impromptu comme au milieu d’une conversation et se tait brusquement. Williams croit en l’imagination, mais l’imagination chez lui ne tourne pas le dos à la vie. Il propulse la poésie américaine dans une tension vivante du présent, et la conduit à un carrefour. Le carrefour de la modernité dont Le Printemps est le reste est la boussole espiègle et détraquée.
La nouvelle traduction de Valérie Rouzeau rend toute la vivacité de ce livre majeur de la poésie américaine.
Poème
de l’instant
Totem normand pour un soleil noir
Normand
je suis aussi de ce pays-là des ronds-points
de notre humanité qui n’est pas
qui ne sera plus jamais
seule