Lénore et autres poésies allemandes

Auteur : Gérard de Nerval

Lénore et autres poésies allemandes

On sait aujourd’hui que la composition des premiers sonnets des Chimères suivit de près l’ensemble des versions de « poésies allemandes » que Nerval avait réalisées. Loin de constituer une occupation annexe ou d’être un simple exercice, « la traduction fut pour lui, selon Gérard Macé, une expression à mots couverts, qui lui a permis de donner libre cours à ses fantasmes et ses hantises, sans avoir à les déclarer en son nom propre, et l’on peut penser que les”poésies allemandes” ont été bienfaisantes pour Nerval : du point de vue mental, ce ne fut que provisoire, et peut-être incertain, mais du point de vue poétique ce fut déterminant.

Grâce à Goethe, Schiller, Klopstock, Uhland, Bürger et Heine, Nerval a pu tourner le dos à la versification machinale et stérile à laquelle il s’adonna dans ses ”vers de jeune homme”, pour reconnaître ce qui au fond n’appartenait qu’à lui, puis nous donner des vers dont le charme est si troublant qu’il ne doit plus rien au métier. »

Avec ce recueil publié après celui des Chimères, c’est tout un jeu de correspondances, pareil à un jeu de miroirs, qui se révèle ; c’est aussi un fascinant processus de création qui vient au jour.

Paru le 24 novembre 2005

Éditeur : Gallimard

Genre de la parution : Recueil

Support : Livre papier

Poème
de l’instant

Leconte de Lisle

Midi

Homme, si, le cœur plein de joie ou d’amertume,
Tu passais vers midi dans les champs radieux,
Fuis ! la Nature est vide et le Soleil consume :
Rien n’est vivant ici, rien n’est triste ou joyeux.

Mais si, désabusé des larmes et du rire,
Altéré de l’oubli de ce monde agité,
Tu veux, ne sachant plus pardonner ou maudire,
Goûter une suprême et morne volupté,

Viens ! Le Soleil te parle en paroles sublimes ;
Dans sa flamme implacable absorbe-toi sans fin ;
Et retourne à pas lents vers les cités infimes,
Le cœur trempé sept fois dans le Néant divin.

Leconte de Lisle, 1818-1894, « Midi », Poésies antiques, 1852.