Les mots sont des vêtements endormis
Auteur : Jean-Louis Giovannoni

Tout tient dans l’air sans qu’il y ait besoin d’appui. Passerelle sans aucune rive. Passerelle entièrement aérienne d’où tu ne pourras pas te jeter. Le malheur veut que tous ceux qui passent par-dessus la balustrade ne tombent jamais. Leur vient toujours sous les pieds une autre passerelle.
Tu dis que tu aimerais te jeter, passer par-dessus la rambarde, alors que c’est le sol que tu cherches inlassablement.
Ni l’un ni l’autre ne viennent. Ni la chute ni le sol.
Avec cela attends-tu toujours que l’on te sauve ?
Poème
de l’instant
« Les roses de Saadi »
J’ai voulu, ce matin, te rapporter des roses ;
Mais j’en avais tant pris dans mes ceintures closes
Que les nœuds trop serrés n’ont pu les contenir.
Les nœuds ont éclaté. Les roses envolées
Dans le vent, à la mer s’en sont toutes allées.
Elles ont suivi l’eau pour ne plus revenir ;
La vague en a paru rouge et comme enflammée :
Ce soir, ma robe encore en est tout embaumée…
Respires-en sur moi l’odorant souvenir.