Libération - Camille Paix
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Frontière, limite d’un territoire, ligne imaginaire qui entrave. De tous les mots qui auraient pu faire thème de cette 25e édition du Printemps des poètes, c’est celui-ci qui s’est imposé presque de lui-même, un an après l’invasion russe en Ukraine. Un mot poreux et élastique, qui enferme et contient, dans lequel on peut trouver refuge et que l’on peut aussi traverser, façon passe-murailles, comme y ont été invités les 111 poètes contemporains qui peuplent les pages de l’anthologie publiée à l’occasion du Printemps par les éditions Castor Astral. Laquelle dresse à travers ces vers, pour la plupart inédits, un beau panorama de la création contemporaine francophone, de la très jeune Mila Tisserant, dans sa vingtième année (« On ne survit pas sans la langue, un homme sans mot est un homme mourant »), à des noms plus connus (CharlElie Couture, Tahar Ben Jelloun) en passant par tout un petit sommaire de cette chronique Lundi poésie (Maud Thiria, Victor Malzac, Albane Gellé, Cécile Coulon, Dominique Ané…).
Si les poèmes tanguent autour des frontières, la camarde est forcément en embuscade derrière cette limite « qui séparait même les morts des vivants » (Adeline Baldacchino). Elle parsème l’anthologie, chez Aldo Qureshi (« il avait balayé les bouts de verre pour que le corps/ ne se blesse pas les pieds »), Milène Tournier (« les vivants sont les maçons à mains nues des tombes des morts »), Anne Mulpas (« même les fantômes savent cela/ qu’on se souvient par le toucher »), comme chez la poétesse Laura Vazquez, cofondatrice de la revue poétique Muscle, qui signe le poème dont on publie un extrait ci-dessous.
L’extrait de Laura Vazquez
La vitesse tentant de détruire tout obstacle à la manifestation de la vérité
t’as capté tes yeux sont à la fois
pour et contre l’ordre naturel
tu ne crois pas
une lumière inexplicable
on restera face-à-face quelques semaines
toi et moi si tu veux
sans raison si tu ne veux pas je meurs
et je te parlerai à fond
je te parlerai de mon cousin martyre
mon cousin martyre se coupait les yeux
ce qui conduit à la mort
et j’ai connu une morte qui vivait couchée
car comment vivrait-elle
je ne l’embrassais pas
tu peux compter sur moi la mort dégoûte
et je prouve ma vie car j’ai connu une femme
en dehors de son corps dans ma mémoire
dans la mémoire le visage d’une personne
se place
sur le corps d’une autr
le corps d’une autre
sur un autre visage
[…]
Lundi poésie
Par Camille Paix
Le 13 février 2023
Poème
de l’instant
Ce que m’a soufflé la ville
À toi, qui crois que vivre, vraiment vivre, est sans doute autre chose que ce que tu fais.
Ce que m’a soufflé la ville
Le Castor Astral / 2023