Paul Éluard

Paul Éluard, poète empreint de fièvre révolutionnaire et d’aspiration humaniste, naît en 1895 sous le nom d’Eugène Grindel, à Saint-Denis dans la banlieue parisienne. Atteint de tuberculose, il se fait hospitaliser en Suisse en 1912 : il découvre alors la poésie. C’est à l’âge de vingt et un ans qu’il choisit le nom de Paul Éluard, hérité de sa grand-mère, Félicie. On le connaîtra également sous les noms de plume de Didier Desroches et de Brun.
Il commence à écrire et rencontre l’amour en la personne de Gala, une jeune Russe rencontrée au sanatorium de Davos, qu’il épousera en 1917. Il prend avec elle son premier élan de poésie amoureuse qui se prolongera dans tous ses écrits. Elle dessine son profil, et il ajoute à la main : « Je suis votre disciple ». Ils lisent ensemble les poèmes de Gérard de Nerval, Charles Baudelaire, Lautréamont et Guillaume Apollinaire. Le 11 mai 1918, il écrit à l’un de ses amis : « J’ai assisté à l’arrivée au monde, très simplement, d’une belle petite fille, Cécile, ma fille ».
Mobilisé entre-temps en 1914, il part sur le front avant d’être éloigné des combats en raison d’une bronchite aiguë. Cette expérience de la guerre et de ses champs de bataille le traumatise et lui inspire ses Poèmes pour la Paix (publiés en 1918). Repéré alors par Jean Paulhan, il rencontre l’avant-garde littéraire et artistique de l’époque qu’il rejoint : Breton, Aragon, Soupault, De Chirico, Dali, Picasso et Max Ernst. Il adhère à l’idée dadaïste de renouveler la langue puis, en octobre 1924, signe avec son ami André Breton le Manifeste du surréalisme. Il fonde sa propre revue, « Proverbe », dans laquelle il se montre, comme Jean Paulhan, obsédé par les problèmes du langage. Tous deux contestent comme les dadaïstes les notions éculées de beau et de laid, mais refusent de remettre en question le langage lui-même. En 1920, Éluard est le seul du groupe à affirmer que le langage peut être un « but », entourés de ceux qui le considèrent surtout comme un « moyen de détruire ». La vie d’Éluard se confond dès lors avec celle du mouvement surréaliste. C’est cependant lui qui échappe le mieux à sa réputation de violence et qui est le plus accepté par la critique traditionnelle. Éluard se plie à la règle surréaliste résumée par la phrase de Lautréamont : « La poésie doit être faite par tous, non par un ». Avec Benjamin Péret, il écrit 152 poèmes mis au goût du jour (1925). Avec André Breton, Au défaut du silence (1925) et L’Immaculée Conception (1930). Avec Breton et René Char, Ralentir travaux (1930).
Dès 1925, il soutient la révolte des Marocains et en janvier 1927, il adhère au parti communiste français, avec Louis Aragon, Breton, Benjamin Péret et Pierre Unik. Ils s’en justifient dans le tract collectif, Au grand jour.
Ses problèmes de santé, ses difficultés conjugales et ses souffrances sentimentales inspireront sa poésie surréaliste, lyrique et sensible – Capitale de la douleur (1926) ; L’Amour, la Poésie (1929) ; La Vie immédiate (1932) ; Les Yeux fertiles (1936). Il sera très affecté par le départ de Gala, qui le quitte en 1929 pour vivre avec Dali. Il lui dit écrira : « Ta chevelure glisse dans l’abîme qui justifie notre éloignement ». Il fait au même moment la connaissance de Maria Benz, surnommée Nusch, qu’il épousera en 1934. Les années 1931-1935 comptent parmi les plus heureuses de sa vie.
En 1931, il s’insurge contre l’Exposition coloniale organisée à Paris et signe un tract : « Si vous voulez la paix, préparez la guerre civile ». Exclu du parti communiste, il continue sa lutte révolutionnaire. Ambassadeur du surréalisme, il voyage dans toute l’Europe. En Espagne en 1936, il apprend le soulèvement franquiste, contre lequel il s’insurge violemment. L’année suivante, le bombardement de Guernica lui inspire le poème « Victoire de Guernica ». Pendant ces années de guerre civile en Espagne, Éluard et Picasso ne se quittent pas. Le poète dit au peintre : « Tu tiens la flamme entre tes doigts et tu peins comme un incendie ».
Le 1er septembre 1939, Paul Éluard est mobilisé dans le Loiret comme lieutenant dans l’Intendance. Il intervient auprès du président de la République pour faire libérer le peintre Max Ernst, interné comme « ressortissant allemand ». Démobilisé après l’armistice de 1940, l’exode l’entraîne dans le Tarn, puis il revient à Paris auprès de son épouse. Entré dans la Résistance en 1942, il rencontre le fondateur des Éditions de Minuit, Pierre de Lescure, avec qui il collabore. Le recueil Poésie et Vérité (1942), publié semi-clandestinement, sans visa de censure, rassemble des poèmes s’élevant nettement contre le nazisme et la collaboration, dont le plus célèbre, « Liberté », traduit en dix langues, fut parachuté par la Royal Air Force sur les contrées occupées. Paul Éluard y expose son « but poursuivi : retrouver, pour nuire à l’occupant, la liberté d’expression ». Le poème sera mis en musique par Francis Poulenc en 1944. Il continue le combat armé d’une plume : il écrit Sept Poèmes d’amour en guerre (1943) et publie Au rendez-vous allemand (1945), composé de poèmes écrits dans la clandestinité, sous les pseudonymes de Jean du Haut ou de Maurice Hervent. En 1943, avec Pierre Seghers et Jean Lescure, il rassemble les textes de nombreux poètes résistants et publie L’Honneur des poètes. À la Libération, il est fêté avec Louis Aragon comme le grand poète de la Résistance. Il multiplie avec Nusch tournées et conférences. Mais il apprend sa mort le 28 novembre 1946, d’une hémorragie cérébrale.
Quelques amis intimes lui redonnent peu à peu le « dur désir de durer » et il retrouve force dans l’amour de l’humanité. Son recueil De l’horizon d’un homme à l’horizon de tous retrace ce cheminement qui mène Éluard de la souffrance à l’espoir retrouvé. Le poète produit des Poèmes politiques (1948) et mêle continûment simplicité de la langue et force des images : Poésie ininterrompue I (1946) ; Corps mémorable (1947) ; Poésie ininterrompue II (1953, recueil posthume).
En avril 1948, Paul Éluard et Picasso sont invités à participer au Congrès pour la paix à Wroclaw (Pologne). En juin, Éluard publie des Poèmes politiques, préfacés par Louis Aragon. L’année suivante, au mois d’avril, c’est en tant que délégué du Conseil mondial de la paix qu’Éluard participe aux travaux du congrès qui se tient à la salle Pleyel à Paris. Au mois de juin, il passe quelques jours auprès des partisans grecs retranchés sur le mont Grammos face aux soldats du gouvernement grec, puis se rend à Budapest pour assister aux fêtes commémoratives du centenaire de la mort du poète Sándor Petőfi. Il y fait la connaissance de Pablo Neruda. Puis en septembre, il est à Mexico pour un nouveau congrès de la paix. Il y rencontre Dominique Lemor avec qui il se mariera en 1951. Éluard publie cette même année le Le Phénix entièrement consacré à la joie retrouvée.
Le 18 novembre 1952 à neuf heures du matin, Paul Éluard succombe à une crise cardiaque à son domicile, 52 avenue de Gravelle à Charenton-le-Pont. Les obsèques ont lieu le 22 novembre au cimetière du Père-Lachaise. Le gouvernement refuse les funérailles nationales. Robert Sabatier déclare : « Ce jour-là, le monde entier était en deuil ».
Bibliographie
Poésie :
Le Phénix, Seghers, 1951.
Une leçon de morale, Gallimard, 1950.
Poèmes politiques, Gallimard, 1948.
Le temps déborde, Cahiers d’Art, 1947.
À l’intérieur de la vue, Seghers, 1947.
Le Dur désir de durer, Arnold-Bordas, 1946.
Poésie ininterrompue, Gallimard, 1946.
Une longue réflexion amoureuse, Ides et Calendes, 1945.
Au rendez-vous allemand, Éditions de Minuit, 1944.
Les Sept poèmes d’amour en guerre, Éditions des Francs-Tireurs, 1943.
Courage, publié clandestinement dans les Éditions de Minuit de 1943, 1943.
Poésie et Vérité, Éditions de la revue Fontaine, 1942.
Le Livre ouvert, Cahiers d’Art, 1941.
Je ne suis pas seul, Médieuses, 1939.
Donner à voir, Gallimard, 1939.
La Victoire de Guernica, Éditions du Sagittaire, 1938.
Cours naturel, Éditions du Sagittaire, 1938.
Les Mains libres, en collaboration avec Man Ray, Éditions Jeanne Bucher, 1938.
Quelques-uns des mots qui jusqu’ici m’étaient mystérieusement interdits, Éditions G.L.M., 1937.
Les Yeux fertiles, avec la participation de Picasso, Éditions G.L.M., 1936.
Facile, avec des photographies de Nusch par Man Ray, Éditions G.L.M., 1935.
La Rose publique, Gallimard, 1935.
La Vie immédiate, Éditions des Cahiers Libres, 1932.
Défense de savoir, Éditions Surréalistes, 1932.
L’Immaculée Conception, Éditions Surréalistes, 1930.
À toute épreuve, Éditions Surréalistes, 1930.
Ralentir travaux, en collaboration avec André Breton et René Char, Éditions Surréalistes, 1930.
L’Amour la poésie, Éditions de la Nouvelle Revue Française, 1929.
Les Dessous d’une vie ou la Pyramide humaine, Les Cahiers du Sud, 1926.
Capitale de la douleur, Gallimard, 1926.
Au défaut du silence, Éditions de la Nouvelle Revue Française, 1925.
Mourir de ne pas mourir, Éditions de la Nouvelle Revue Française, 1924.
L’Amoureuse, Éditions de la Nouvelle Revue Française, 1923.
Les Animaux et leurs hommes, les hommes et leurs animaux, Au sans pareil, 1920.
Le Devoir et l’Inquiétude, avec une gravure sur bois par André Deslignères, A-J. Gonon, 1916.
Premiers Poèmes, 1913-1921, publié chez Mermod pour la première fois en 1948.
Œuvres complètes :
Les Œuvres complètes en deux tomes sont établies par Marcelle Dumas et Lucien Scheler et publiées en 1968 par Gallimard dans la collection Bibliothèque de la Pléiade. À cette occasion, un Album Éluard est réalisé.
Divers :
Elle se fit élever un palais, in-folio publié avec Serge Rezvani, en feuillets sous couverture repliée, livre tiré à 16 exemplaires pour le compte de Maeght éditeur, 1947.
Ode à Staline, 1950.
Picasso, dessins, 1952.
Anthologie des écrits sur l’art, Cercle d’Art, collection Diagonales, 1987.
Le Poète et son ombre, textes provenant de plaquettes à tirage limité, de catalogues rares et de revues, Seghers, 2008.
Correspondance :
Paul Éluard & Jean Paulhan, Correspondance 1919-1944, édition établie et annotée par Odile Felgine et Claude-Pierre Pérez, Éditions Claire Paulhan, 2003.
Lettres de jeunesse, Seghers, 1962.
Choix de lettres à sa fille (1932-1949), revue Europe, numéro spécial Paul Éluard, novembre-décembre 1962.
Lettres à Joël Bousquet, Éditeurs français réunis, 1973.
Lettres à Gala 1924-1948, Gallimard, 1984.
André Breton et Paul Éluard, Correspondance 1919-1938, présentée et éditée par Étienne-Alain Hubert, Paris, Gallimard, 2019.