Pierre Albert-Birot

Pierre Albert-Birot, de son vrai nom Pierre Albert Birot, naît le 22 avril 1876 à Angoulême.

Pierre est dès le plus jeune âge bercé par la voix artistique de sa mère, Marguerite, qui brode, joue du piano et chante. Son père, Maurice Birot, ne cesse quant à lui de monter des affaires assez peu fructueuses. La famille Birot passe ses étés non loin d’Angoulême, au château de Chalonnes. C’est durant ces vacances que le jeune Pierre commence à écrire et mettre en scène ses premières pièces de théâtre, invitant même le village à des représentations.

Les mauvaises affaires du père obligent la famille à quitter Angoulême et rejoindre Bordeaux. Là, Pierre apprend le grec aux côtés d’un professeur particulier. Peu de temps après leur arrivée, Maurice part vivre avec une amie de sa femme, laissant ainsi celle-ci sans ressource. Marguerite va alors fonder une sorte de pension familiale, accueillant de jeunes danseuses du théâtre voisin. Pierre est ainsi plongé au milieu de ce corps artistique et féminin. En 1892, parce que la pension ne suffit plus à couvrir les besoins de la famille, Marguerite et Pierre partent s’installer à Paris, où elle s’improvise couturière.

Arrivé à Paris, il fait la rencontre du sculpteur Georges Achard grâce à qui il rentre à l’École des Beaux-Arts. Si la peinture semble plus importante à ses yeux – il fait d’ailleurs la rencontre de Gustave Moreau et Gérôme – c’est finalement la sculpture qui retient véritablement son intérêt. Lorsqu’il quitte l’École, il part travailler dans l’atelier de Georges Achard.

C’est à l’aide d’une bourse octroyée par la ville d’Angoulême que Pierre peut installer son atelier dans une cabane située boulevard du Montparnasse. Tout en travaillant son art, il suit des cours au Collège de France et à la Sorbonne, notamment le cours de philosophie d’Alfred Espinas. En 1896, il entame une relation avec Marguerite Bottini, sœur du peintre Georges Bottini, avec qui il aura quatre enfants.

C’est en 1900, à 24 ans, que Pierre expose pour la première fois au salon des artistes français. En 1912, il se rapproche des milieux espérantistes et commence même à écrire des poèmes en esperanto. Au cours de la même année, il abandonne ses filles qui entrent à l’Orphelinat des arts de Courbevoie et ses fils qui partent pour la Fraternité artistique. En 1913, il épouse la musicienne Germaine de Surville, rencontrée un an auparavant. Ces années sont aussi marquées par son travail comme restaurateur d’objets d’art chez une antiquaire, emploi qu’il conservera toute sa vie et qui lui fournira la matière de son roman Rémy Floche, employé paru aux éditions Denoël et Steele en 1934.

C’est lorsque que la guerre éclate, et qu’il est quant à lui réformé pour insuffisance respiratoire, que Pierre dit « naître vraiment ». Il fonde en effet, dès janvier 1916, la revue SIC (Sons Idées Couleurs, Formes) qui se verra très rapidement comporter des écrits de Guillaume Apollinaire, Pierre Reverdy, Louis Aragon et Philippe Soupault, entre autres. Le premier numéro de la revue, entièrement rédigé par Pierre, débute ainsi : « Notre volonté : Agir. Prendre des initiatives, ne pas attendre qu’elle nous vienne d’outre-Rhin. » et se poursuit avec cette formule : « L’Art commence où finit l’imitation ». C’est par l’intermédiaire de Gino Severini que Pierre va faire la connaissance du milieu artistique avant-gardiste parisien et français. Si les publications font connaître à Pierre un succès toujours plus grandissant, ce dernier est tout de même moqué, notamment par ceux qui deviendront plus tard les surréalistes. Pour moquer tout à la fois SIC, Cocteau, et Albert-Birot, Théodore Fraenkel envoie par exemple un poème titré « Restaurants de nuit », signé Cocteau, mais qui comporte l’acrostiche « Pauvre Birot ». N’y voyant que du feu, Pierre publie ce poème dans le numéro 17…

Pierre met finalement un terme à la revue au cours de l’année 1919, année durant laquelle Louis Aragon, André Breton et Philippe Soupault fonde Littérature, revue qui épousera définitivement la cause du mouvement Dada.

C’est au cours de leur première rencontre que Pierre et Guillaume Apollinaire, alors que ce dernier est convalescent à l’hôpital de Paris, s’entendent pour l’écriture et la mise en scène d’une pièce de théâtre. Lorsque Guillaume propose de la sous-titrer « drame surnaturaliste », Pierre craint un rapprochement trop facile avec l’école naturaliste ou le surnaturel, et les deux hommes s’accordent finalement sur le terme « sur-réaliste ». La pièce, s’intitulant Les Mamelles de Tirésias, est écrite par Guillaume, mise en musique par Germaine Albert-Birot et mise en scène par Pierre. Les costumes sont d’Irène Lagut et les décors de Serge Férat. Si la pièce, jouée au théâtre Maubel le 24 juin 1917 malgré le manque criant de moyen, fait salle comble, elle se termine tout de même dans un tohu-bohu indescriptible, laissant présager les futures soirées Dada. Il est raconté que Jacques Vaché, accompagné de Théodore Fraenkel, aurait menacé la salle d’un revolver…Si la presse est scandalisée, le jeune Aragon, lui, fait un compte-rendu pour le moins élogieux de la pièce dans le numéro 28 de SIC.

La même année, en 1917 donc, Albert-Birot publie son premier recueil de poésie intitulé Trente et un poèmes de poche, préfacé par Guillaume Apollinaire.

Guillaume meurt le 9 novembre 1918, à l’âge de 38 ans. Pour lui rendre hommage, Pierre lui consacre un triple numéro de SIC comportant des écrits de Roger Allard, Louis Aragon, André Billy, Blaise Cendrars, Jean Cocteau, Paul Dermée, Max Jacob, Irène Lagut, Pierre Reverdy, Jules Romains, André Salmon, Tristan Tzara, entre autres. Sa propre oraison est titrée Ma main amie.

Pendant les années 1920, Pierre se consacre à la poésie et à l’écriture théâtrale. On lui doit notamment l’invention du « poème pancarte » et du « poème-paysage ».

Les années 1930 sont pour Pierre des années marquée par la solitude. Sa femme Germaine meurt dès 1931. Il ne fréquente plus que Jean Follain, rencontré en 1933, Serge Férat, Roch Grey et Roger Roussot. Il se retire également dans un petit appartement rue du Départ, dans le 14e arrondissement. Il y imprime ses livres, à l’aide de sa machine à levier, et les « fait connaître » en les déposant à la Bibliothèque nationale.

En 1933 aussi, dans ce paysage quelque peu sombre et teinté de tristesse, il est tout de même incité par Jean Follain à participer aux dîners dits Grabinoulor, du nom de l’épopée dont l’écriture occupera toute sa vie. La même année, une première version du récit, en deux volumes, est publiée par Robert Denoël. Cette version sera par la suite augmentée de quatre autres livres.

En 1955, Pierre fait la connaissance d’Arlette Lafont qu’il épouse en 1962. Le recueil Le Train bleu paru en 1953 qui lui est dédié en 1953 contient la mention :

« pour Arlette,
qui me donne une sorte d’étrange tranquillité, une sorte de certitude que je ne monterai pas tout entier dans le Train Bleu. Je laisserai ici une partie du meilleur de moi-même »

Ce « train bleu » de Pierre est bien entendu une métaphore de la mort qui n’admettra pour autant pas de point final.

En 1965, les Éditions Gallimard publie Grabinoulor presque complet, doté d’une couverture augmentée d’un bandeau présentant l’épopée comme un « classique du surréalisme ». Pierre, qui n’a jamais fait partie du groupe surréaliste, ni signé aucun manifeste, dira, en 1966, n’avoir jamais été « attiré par les arcanes et le fantastique du surréalisme ».

Pierre meurt le 27 juillet 1967 à Paris. Sur son faire-part de décès, composé par Arlette, figure ce vers de La Panthère noire :

« Ceux qui t’aiment te voient belle verticale toute guerre et feu et couleurs mordre à pleines dents mordre dans le système solaire. »

Bibliographie

Poésie

  • Genres, Éditions Derrière la Salle de Bains, 2009.
  • Mes galaxies, Éditions Ikko, 2007.
  • Poèmes à l’autre Moi précédé de La Joie des sept couleurs et suivi de Ma morte et de La Panthère noire, Éditions Gallimard, 2004.
  • La Grande Vie, Ottezec, 1997.
  • Poésie VII, 1946-1952, présentation d’Arlette Albert-Birot, Éditions Rougerie, 1996.
  • Poésie II, 1916-1924, présentation et notes d’Arlette Albert-Birot, Éditions Rougerie, 1992.
  • 7 poèmes, Éditions Brandes, 1989.
  • Poésie I, 1916-1920, avant-propos d’Arlette Albert-Birot, Éditions Rougerie, 1987.
  • Poésie VIII, 1952-1966, présentation d’Arlette Albert-Birot, Éditions Rougerie, 1985.
  • Mon palais, Le Pavé, 1985.
  • Poésie V, 1938-1939, présentation d’Arlette Albert-Birot, Éditions Rougerie, 1983.
  • Poésie VI, 1945-1967, présentation d’Arlette Albert-Birot, Éditions Rougerie, 1983.
  • Poésie III, 1927-1937, présentation d’Arlette Albert-Birot, Éditions Rougerie, 1982.
  • Poésie IV, 1931-1938, présentation d’Arlette Albert-Birot, Éditions Rougerie, 1982.
  • Les poèmes du dimanche, SIC 1977.
  • Long cours, La Grande Couronnée, Éditions Rougerie, 1974.
  • Six quatrains de Chantilly, SIC, 1973.
  • Le Pont des soupirs, EFR, 1972.
  • Fermeture hebdomadaire, SIC, 1970.
  • Le Train bleu, avant-propos de Pascal Pia, Guy Chambelland, 1970.
  • Poésie, 1916-1924, préface d’André Lebois, Éditions Gallimard, 1967.
  • Cent nouvelles gouttes de poésie, Les Cahiers de la Barbacane, 1967.
  • Aux trente-deux vents, poèmes des jours ombreux, illustrations de Jacques Spacagna, avant-dire de Henri Chopin, Jean Petithory éditeur, 1967.
  • La Belle Histoire, illustré par Staritsky, Gaston Puel éditeur, 1966.
  • Silex, poèmes des cavernes, frontispice de Zadkine, avant-propos de Max Pons, Les Cahiers de la Barbacane, 1966.
  • Et patati et patata, adaptation française des poèmes de Krista Bendova, sur une traduction du slovaque de Zdenka Datheil, Gründ, 1966.
  • Graines, poèmes-missives, Éditions du Club du Poème, 1965.
  • Poèmes à l’autre moi, Éditions Caractères, 1954.
  • Dix poèmes à la mer, hors-commerce, 1954.
  • Cent dix gouttes de poésie, Éditions Seghers, 1952.
  • Les amusements naturels, Denoël, 1945.
  • La Panthère noire, Éditions des Canettes, 1939.
  • Miniatures, Trente jeux prosodiques, Éditions des Canettes, 1939.
  • Âmenpeine, Éditions des Canettes, 1938.
  • Le Cycle des douze poèmes de l’année, Éditions des Canettes, 1937.
  • Ma morte, tirage à 30 exemplaires hors-commerce, Imprimé par l’auteur sans nom d’éditeur, 1931.
  • Poèmes à l’autre moi, Paris, Jean Budry, 1927.
  • La lune ou le Livre des poèmes, Jean Budry, 1924.
  • Quatre poèmes d’amour, SIC, 1922.
  • La Triloterie, Illustrations sur bois de Léopold Survage, SIC, 1920.
  • Poèmes quotidiens, SIC, 1919.
  • La joie des sept couleurs, SIC, 1919.
  • Trente et un poèmes de poche, Préface de Guillaume Apollinaire, SIC, 1917.
  • De la mort à la vie, Essai dramatique, Renié et détruit par l’auteur, Un exemplaire conservé à la Bibliothèque nationale, Messein, 1905.

Prose

  • Mon ami Kronos, 1935, Éditions Zulma, 2007.
  • Cinémas, préface d’Arlette Albert-Birot, Éditions Jean-Michel Place, 1995.
  • L’homme coupé, postface d’Arlette Albert-Birot, La Barbacane, 1995.
  • Le Catalogue de l’antiquaire, Amiot-Lenganey, 1993.
  • Les Six livres de Grabinoulor, Éditions Jean-Michel Place, 1991.
  • Autobiographie & Moi et moi, La librairie bleue, 1988.
  • Les Mémoires d’Adam, suivis des Pages d’Ève, Éditions de l’Allée, 1986.
  • Rémy Floche, employé, Éditions de l’Allée, 1986.
  • Grabinoulor, livre III, chapitre deuxième, Éditions de la revue Strophes, 1965.
  • Grabinoulor, nouvelle édition, extraits des livres I, II, III, préface de Jean Follain, Éditions Gallimard, 1964.
  • Grabinoulor Amour, Éditions Rougerie, 1955.
  • Les Mémoires d’Adam, suivis des Pages d’Ève, Éditions du Dauphin, 1948.
  • Rémy Floche, employé, Denoël et Steele, 1934.
  • Grabinoulor, épopée, (livre I et II), Denoël et Steele, 1933.
  • Ainsi la mort, Ma morte, Éditions Rougerie, 1931.
  • Le Catalogue de l’antiquaire, Jean Budry, 1923.
  • Le Premier Livre de Grabinoulor, SIC, 1921.
  • Cinéma, drames poèmes dans l’espace, SIC, 1920.

Théâtre

  • Entre 1977 et 1980, les éditions Rougerie éditent ou rééditent tout le théâtre (Matoum et Tévibar, Larountala, L’homme coupé en morceaux, le Bondieu, Les Femmes pliantes, Image, Plutus, Matoum en Matoumoisie, La Dame enamourée, Le Mariage tiré par les cheveux, Le Petit Poucet, Barbe Bleue, en 6 volumes)
  • Image, premier drame tragique, Jean Budry, 1924.
  • Les Femmes pliantes, drame comique, Sic, 1923.
  • Le Bondieu, drame comique, Sic, 1922.
  • L’Homme coupé en morceaux, drame comique, Sic, 1921.
  • Matoum et Tévibar, drame pour marionnettes, Sic, 1919.
  • Larountala, polydrame, Sic, 1919.