Que dire de celles qui pourchassent l’obscurité avec leur torchon de cuisine

Vénus Khoury-Ghata

Que dire de celles qui pourchassent l’obscurité avec leur torchon de cuisine
Appellent arbres et enfants à ranger les bruits dans leurs plumiers

à s’attabler dos au feu où brûlent les ossements d’un saule vieux de mille lieux
Les arbres bien nés sont fragiles disent-elles et elles nouent leur cou avec leurs

mouchoirs en dentelle

Le saule casanier donne des fumées blanches comme fiancées disparues
Le saule traduit son mécontentement en cinq étincelles

Le saule n’attend aucune consolation et écrit ses larmes sans ponctuation

Alors que la mandragore qui résiste au chagrin n’a ni cahier ni ruisseau ni d’attaches

familiales mais parfois un nid à quatre nœuds

La mandragore ne fraie pas avec les arbres qui ombragent les cours de récréation

prend ses distances avec le feuillage acerbe du chêne et celui suffisant du tilleul

imbu de sa transparence

Il n’y a pas de bûcheron heureux dit la mandragore

Poème
de l’instant

Philip Larkin

Où vivre, sinon ?

Is it for now or for always
The world hangs on a stalk ?
Is it a trick or a trysting-place,
The woods we have found to walk ?

Is it a mirage or a miracle,
Your lips that lift at mine :
And the suns like juggler’s juggling-balls,
Are they a sham or a sign ?

Shine out, my sudden angel,
Break fear with breast and brow,
I take you now and for always,
For always is always now.

Philip Larkin, Où vivre, sinon ?, Traduit de l’anglais par Jacques Nassif, Éditions de la Différence, 1994.