René Daumal

René Daumal naît le 16 mars 1908 à Boulzicourt, dans les Ardennes.

René Daumal est le personnage principal d’une exemplaire vie de recherche, dans toutes les directions de la culture et de la connaissance de soi. Très tôt engagé dans des expériences littéraires novatrices, il crée avec trois amis, à Reims, le groupe des « Phrères simplises », notamment inspiré de Jarry, Rimbaud et des surréalistes. Ce sont les Roger Vailland, Roger-Gilbert Lecomte, et Robert Meyrat. Leur dieu s’appelle Bubu, et leurs expériences tournent autour de la drogue, allant même jusqu’à la roulette russe — voir prochainement « (Se dégager du scorpion imposé) ».

Il a, adolescent, l’intuition qu’il pourra rencontrer un autre monde en se plongeant volontairement dans un coma proche de ce que nous appelons aujourd’hui les Near Death Experiences, mais l’utilisation du Tétrachlorure de Carbone (CCl4) fragilisera sa santé, et il est possible que cela l’aura sensibilisé à sa future tuberculose.

Élève d’Alain au lycée Henri IV, il y rencontre la future mystique Simone Weil, avec laquelle il aura des échanges au sujet du sanskrit. En effet, Re-Né s’es précocement intéressé aux textes sacrés de l’Inde, et a décidé d’apprendre le sanskrit, quitte à composer lui-même sa propre grammaire sanskrite.
Mais surtout, à Paris avec Roger-Gilbert Lecomte (ils ont rompu avec Vailland mais Pierre Minet s’est joint à eux), ils fondent la revue Le Grand Jeu, qui connaîtra trois numéros de 1928 à 1931, le quatrième restant dans les cartons. On y rencontre notamment le peintre Joseph Sima, et Hendrick Cramer, le mari de Véra Milanova, la future épouse de René.

Mais René fait la connaissance, au Rouquet (un café qui n’a pas changé depuis) de la personne d’Alexandre de Salzmann, qui lui ouvre les yeux, lui permet de vérifier un certain nombre d’intuitions, et notre auteur décide de rompre avec sa vie littéraire et passée, de s’accorder les chances d’une vie nouvelle. Il s’engage auprès du danseur Uday Shankar, dont on ignore comment il a fait sa connaissance, et part avec lui dans sa tournée aux États-Unis.

Cette période es relatée dans La Grande Beuverie, le premier grand travail littéraire de Daumal. On en découvre les clefs dans nos Fragments inédits. Pleine d’humour, La Grande beuverie présente une critique des rouages de la société pour un homme qui a brûlé son ego, et la question y est posée de ce que la vie adulte pourrait être.

Revenu à Paris, il vit difficilement mais obtient le prix Doucet pour Le Contre-ciel, écrit quelques traductions de l’anglais (Hemingway, Suzuki) et du sanskrit, des articles pour la NRF, et une abondante, passionnante et généreuse correspondance. Il rédige notamment le texte fondateur « Poésie noire, poésie blanche », où s’exerce son œil critique et constructeur inimitable.

Quasiment « Sans domicile fixe », il se déplace d’un endroit à un autre avec Véra. Alexandre de Salzmann est décédé, et c’est sa femme Jeanne, la célèbre directrice spirituelle, instigatrice et traductrice de l’œuvre et du travail de G. I. Gurdjieff en France, qui prend la suite auprès de René. C’est ainsi, par les groupes Gurdjieff, qu’il fait la connaissance de Philippe Lavastine, et par lui (qui travaillait chez Denoël) de l’écrivain Luc Dietrich et de son grand ami Lanza del Vasto. Tout ce petit monde se retrouve auprès de Jeanne de Salzmann, et René la suivra même dans ses déplacements à Évian puis en Suisse.

Ayant pris connaissance de sa maladie, une tuberculose déjà avancée, René séjournera le plus possible en montagne, dans les Pyrénées mais surtout dans les Alpes, au Plateau d’Assy chez la pharmacienne Geneviève Lief qui deviendra son élève. C’est la guerre. Il s’est marié avec Véra, israélite. Il vit dans des conditions matérielles extrêmement difficiles. Il compose ses plus belles lettres, se remet à la poésie, écrit La Guerre sainte et commence son œuvre majeure, le célèbre et inachevé Mont Analogue, fulgurante démonstration du langage analogique et de l’écriture à plusieurs strates de compréhension.
Il meurt le 21 mai 1944 à Paris près de la porte d’Orléans, à l’âge de 36 ans. La plupart de son œuvre est encore à découvrir et à publier…

Depuis 1994 les éditions éoliennes opèrent un fastidieux travail sur le fonds Daumal, géré par Claudio Rugafiori et depuis peu par l’universitaire italienne Alessandra Marangoni, marquant ainsi un intérêt indéfectible pour cette œuvre de génie.

Bibliographie

  • Écrits de la bête noire, Éditions Unes, 2021.
  • Notes sur l’obscurantisme, Éditions éoliennes, 2020.
  • Le mont Analogue, Éditions Allia, 2020.
  • La guerre sainte, Éditions Marcel, 2018.
  • La grande beuverie, Éditions Allia, 2018.
  • Les limites du langage philosophique, Éditions La Tempête, 2018.
  • La vie des Basiles, Éditions Marguerite Waknine, 2016.
  • Correspondance, Ypsilon éditeur, 2015.
  • Poésie noire et poésie blanche, proses et poèmes publiés dans les revues "Le Grand jeu", "Fontaine", "Port-des-singes", Éditions Voix d’encre, 2015.
  • Se dégager du scorpion imposé, Éditions éoliennes, 2014.
  • Traité d’alpinisme analogique, X.Barral éditeur, 2010.
  • Histoire des hommes-creux et de la Rose-amère, X.Barral éditeur, 2010.
  • La guerre sainte, Éditions Dervy, 2005.
  • Fragments inédits, 1932-33, première étape vers "La grande beuverie", Éditions éoliennes, 1996.
  • Je ne parle jamais pour ne rien dire, Éditions le Nyctalope, 1994.
  • Les pouvoirs de la parole, Éditions Gallimard, 1993.
  • Correspondance I, Éditions Gallimard, 1992.
  • Le contre-ciel, Éditions Gallimard, 1990.
  • Les dernières paroles du poète, Éditions Gallimard, 1990.
  • Rimbaud, Éditions du Musée-bibliothèque Arthur Rimbaud, 1984.
  • Mugle, Éditions Fata Morgana, 1978.
  • Les dernières paroles du poète, Éditions Gallimard, 1970.
  • Tu t’es toujours trompé, Mercure de France, 1970.
  • Bharata, l’origine du théâtre, la poésie et la musique en Inde, Éditions Gallimard, 1970.
  • Le Contre-ciel, Éditions Gallimard, 1970.
  • Petit théâtre de René Daumal et Roger Gilbert-Lecomte, Collège de Pataphysique, 1960.
  • Lettres à ses amis…, Éditions Gallimard, 1958.
  • Carlo Suares. Critique de la raison impure, Avec Joë Bousquet et Carlo Suares, 1956.
  • Paralipomènes de la "Comédie psychologique".., Éditions Stock, 1955.
  • Poésie noire, Éditions Gallimard, 1954.
  • Chaque fois que l’aube paraît, Éditions Gallimard, 1953.
  • Essais et notes, Éditions Gallimard, 1953.
  • Le catéchisme, Collège de Pataphysique, 1953.
  • Le Mont Analogue, Éditions Gallimard, 1952.
  • La guerre sainte, Éditions Fontaine, 1940.
  • La grande beuverie, Éditions Gallimard, 1939.
  • Le contre-ciel, Université de Paris, 1936.
  • Chroniques cinématographiques, "Aujourd’hui", Au signe de la licorne, 1934.

Apologie

René Daumal , par Zéno Bianu