Rituel du métal - Trente distiques autour du mot "Désir"

Dominique Sorrente

Arracher au parfum
L’invisibilité d’une fleur.

Accomplir le rite clandestin
D’une image vibrante.

Saluer à l’envers
La fille au sablier.

Lever les mains disponibles
Vers la perte.

Toucher à la solitude du dehors
Comme on entre au miroir.

Poser un brouillard neuf
Sur la porte fermée.

Faire d’un simple baiser
un thaumaturge.

Ramasser des cailloux
Derrière les limites.

Remettre à l’eau du fleuve
Son dernier rêve rédigé.

Sentir naître les larmes
Sous astreinte d’infini.

Prêter au diagramme des noms
La véritable rose.

Laisser les alibis en ruine
Se détacher des yeux.

Découvrir sous le corps
Le tatouage de l’origine.

Se laisser balbutier
Par un mot juste ouvert.

Vider
les mauvais scenarii de l’horreur.

Suivre d’une ligne à l’autre effacée,
L’humeur du dieu muet.

Libérer son stylo
A la marge d’un chant d’automne.

Ne plus voir
Qu’une tour de paysages.

Egarer à l’hôtel fébrile
Les diamants de la fatigue.

Dans l’herbe des chaleurs
Coucher le monde vertical.

Ecarter, grand angle,
Les jambes fétiches.

Saisir le pli d’orient
Du sexe qui se trouve.

Etablir le compte des vagues
Sans retenue.

Fumer en somnambules
L’âme d’un temps à l’autre.

Devenir roue vouée
A la fureur des rails.

Souffler pour l’attiser
le « e » silencieux de la bougie.

Fêter la patrie sans danger
Sur l’épave d’un ascenseur flottant.

Ajuster le tréma
Sur le bleu de la coïncidence.

Sauter en clignant des yeux
d’une corde parallèle à l’autre.

Attendre au milieu de l’éternité
Que le verre se remplisse.

Poème
de l’instant

Un bruit de bleu

On pourrait
Avant de partir
Écouter une dernière fois
Le vent dans le feuillage
On pourrait
Laisser là
Nos os
Pour voyager plus léger
Et l’on attendrait
L’une de ces nuits
Où la lune
Ouvre un chemin sur la mer.

Louis Raoul, Un bruit de bleu, L’Ail des ours, 2021.