S’il est encore temps
Sophie Nauleau

Il est stupéfiant qu’il faille passer par la voie du poème pour découvrir que l’éphémère, dont on ne cesse de regretter la brièveté, est en fait le plus vieil insecte ailé de la création. Comme si les mots gardaient en réserve, par-delà l’oubli des millions d’années, tant de secrets à raviver.
À croire que la force ou la fragilité ne sont pas toujours l’apanage de qui l’on pense. Mes baisers sont légers comme ces éphémères / Qui caressent le soir les grands lacs transparents, écrivait Baudelaire il y a moins de deux siècles. Et les huit chapitres de ce livre, au petit galop, de rattraper non pas le temps perdu, mais la part des êtres comme on le dit de celle des anges. La part fugitive s’entend. Et la vérité de la vie de s’avouer aussi fugace, précieuse et inespérée que l’envol d’une danseuse ou le coup d’aile d’une éphémère.
Paru le 23 février 2022
Éditeur : Actes Sud
Poème
de l’instant
Poésies érotiques
Enfin, ma chère Éléonore,
Tu l’as connu ce péché si charmant
Que tu craignois, même en le désirant ;
En le goûtant, tu le craignois encore.
Eh bien, dis-moi ; qu’a-t-il donc d’effrayant ?
Que laisse-t-il après lui dans ton âme ?
Un léger trouble, un tendre souvenir,
L’étonnement de sa nouvelle flamme,
Un doux regret, et surtout un désir…
… Moments délicieux, où nos baisers de flamme,
Mollement égarés, se cherchent pour s’unir !
Où de douces fureurs s’emparant de notre âme,
Laissent un libre cours au bizarre désir !